Voilà. Tout est fini. Qu'allons nous attendre maintenant ? Un improbable
Matrix 4 ?
Star Wars est
un des rares films à avoir passionné des générations pendant près
de trente années, que ce soit des générations de spectateurs,
d'analystes, ou de détracteurs. Voir la saga s'achever aujourd'hui
est à la fois une joie et une tristesse, qui inaugurent
certainement tous un tas d'éditions spéciales DVD toujours plus
riches en bonus et exclusivité. Mais tout est fini. Plus de
nouveaux films. Alors, oui, nous savons maintenant toute
l'histoire. Mais peu de chose aura su nous tenir en haleine tout au
long de cette attente démesurée qui restera longtemps gravée
dans les annales cinématographiques, quel que soit la
perception que vous avez de
Star Wars et de ses nouveaux épisodes.
La Revanche des Sith, épisode central de la saga, s'offre maintenant à vous.
Star Wars, pour la dernière fois dans votre galaxie....
Le chancelier Palpatine (Ian
McDiarmid), capturé par les droïdes de la fédération du
commerce, est sauvé in extremis par Anakin Skywalker (Hayden
Christenssen) et Obi Wan Kenobi (
Ewan McGregor).
Malgré cette preuve de loyauté, le torchon continue de brûler
entre le sénat galactique et le conseil des Jedi. Anakin, pris entre
deux feux, ne sait plus à qui donner sa confiance, tiraillé entre les
conseils prometteurs du chancelier et la prétendue sagesse de
ses maîtres. Ses cauchemars sont des plus en plus oppressants :
Padmé va mourir, il le sait, il le voit, en mettant au monde leur
enfant...
Qu'il soit annoncé d'emblée que
La Revanche des Sith
est sans conteste l'épisode le plus marquant de la trilogie,
peut-être même de la série toue entière, pour la simple et bonne
raison qu'il réfute à lui seul des pans entiers de la doctrine
Star Wars. Car
La Guerre des Etoiles,
et son succès, est avant tout le résultat d'une opportunité
saisie alors que le cinéma sombrait dans le côté obscur et louait
les anti-héros. Lucas, en prospectant du côté du
divertissement familial, trouve la première pépite de sa
fortune, et impose son genre : «
Star Wars est
avant-tout un film pour enfants », se plait-il à dire. La Revanche
des Sith, troisième épisode sur une série de six, en est donc la
propre antithèse. Car, nous ne parlerons pas d'amour, de liberté,
de justice, avant tout ; mais de haine, de trahison,
d'inéluctabilité, et de souffrance. On nous l'a promis. Chose
promise, chose due, Anakin passe du côté obscur. La relative
pauvreté d'éléments nouveaux des deux premiers épisodes prend ici
tout son sens, comme si Lucas avait exprimé le désir de réserver
80% de son scénario (et de ses surprises) pour la troisième et
dernière partie. Ainsi, les transitions typées
Star Wars s'enchaînent
à un rythme effréné, passant parfois du Wookie au Twi'lek,
survolant la grossesse d'Amidala, le mouvement séparatiste,
et la plupart des personnages secondaires, dans une omelette de
dialogues plus ou moins insipides ne seyant guère au nouveau ton
sélectionné. Mais, en contrepartie, nous obtenons bien mieux :
finis les prémisses, la Marche Impériale résonnera belle et bien,
entraînant le jeune Anakin Skywalker dans la tourmente du côté
obscur sous la tutelle de Dark Sidious. L'exploit est ici bas :
malgré les années, malgré le dénouement archi-connu, Lucas
étonne par la noirceur et la franchise de sa vision. On en
attendait peut-être une version plus conciliante, mais rien de
moins logique que de voir Anakin souffrir et faire souffrir avec
une Haine (avec un grand H) digne du côté obscur, celle que l'on nous
a raconté maintes fois sans jamais nous la montrer. L'opéra
s'achève dans un déluge de choeurs, toujours menés de main de maître
par John Williams, en emboîtant les dernières pièces du puzzle :
Luke, Leïa, leur séparation, et le casque de Dark Vador.
L'occasion d'entendre et de ré-entendre des thèmes musicaux
chères à la série et à nos coeurs, telles que les thèmes respectifs
des jumeaux Skywalker, mais surtout de découvrir comment Lucas
va justifier les incohérences du scénario. Car avouons-le,
quelqu'un qui découvre la série en regardant les épisodes dans
l'ordre ne cessera sûrement pas de manger ses chips en apprenant
que Dark Vador n'est autre qu'Anakin Skywalker dans
L'Empire Contre-Attaque.
Certains détails seront oubliés, d'autres considérés à leur juste
valeur. Mais pour apprécier Star Wars tel qu'il est, mieux vaut ne
pas suivre les numéros, et se référer aux dates de sortie.
Qu'en
est-il du reste ? Lucas, à la réalisation, fait du Lucas. Il
imagine une bataille grandiose au milieu de torrents de lave en
fusion, la dote d'une chorégraphie époustouflante, puis la gâche
un peu en se frustrant dans les plans rapprochés. Quant aux plans
100% numériques, il écrase de travail le département d'effets
spéciaux en rêvant de larges panoramas et de débauches
d'explosions colorées.
L'Attaque des Clones était une claque visuelle ;
La Revanche des Sith met
à terre pour de bon, aussi bien dans les décors que dans les
personnages infographiques. Exit Jar Jar, qui n'apparaîtra en
tout et pour tout qu'à peine cinq secondes, le général droïde
Grievous est le nouveau fer de lance de la compétence des gens
d'ILM. D'un personnage somme toute basique de vilain coincé dans
une carcasse métallique, Lucas lui donne une âme et une prestance
dignement humaine, qui n'est pas sans rappeler certains
dictateurs. Il fallait bien ça pour pallier à l'absence
quasi-intégrale du comte Dooku, évidemment évincé pour laisser
la place au nouvel apprenti. Les fans seront également ravis
d'apprendre que Yoda ne restera pas assis et s'impliquera encore
davantage que dans le précédent épisode, avec toute la Force qui
l'accompagne.
La Revanche des Sith prend à contre-pied l'univers
Star Wars,
accompagnant la descente aux enfers de Anakin avec une
mélancolie et une hargne presque touchantes, le tout assaisonné
d'une réflexion politique plus poussée que les fois précédentes
et d'un désir de marquer les esprits. Visuellement, le film se
hisse à la pointe du progrès et semble encore et encore repousser
les limites de l'imagination ; quant à Dark Vador, nous avons
maintenant tout le privilège de l'admirer tel qu'il nous a été
décrit il y a quelques dizaines d'années. La saga prend fin.